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Oral/Écrit: Quelle place dans les modèles linguistiques ?

Lausanne, 4 - 6 December 2019

Il y a plusieurs manières de ne pas interroger l’effet de la substance des signes – audible ou visible – sur la langue, les discours et leur théorisation. Par exemple : considérer que la langue n’a qu’une seule vraie substance, ou que la substance est négligeable pour l’étude linguistique, ou au contraire admettre qu’elle divise si bien les pratiques langagières, qu’il faut deux linguistiques pour interpréter celles-ci.

Pourtant si l’on admet qu’il y a un objet qu’on appelle le français (ou l’allemand, ou l’espagnol…) et qu’il intègre des matérialisations orales et écrites notoirement différenciées, on est alors poussé à se demander dans quelle mesure et de quelles manières la distinction entre oral et écrit motive ces différences.

Pour soulever cette question, nous avons adopté la démarche suivante : mettre l’identité d’un fait de langue ou d’un genre de discours à l’épreuve du clivage oral/écrit. En partageant nos observations et nos analyses, nous éclaircirons collectivement – c’est l’espoir et l’ambition du colloque – ce que les particularités respectives des énonciations écrites et orales doivent à la substance des signes.

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La formule du Cours de linguistique générale « la langue est une forme et non une substance » (Saussure, 1967 [1916] : 157) a servi de programme pour le développement de la linguistique structurale. Mais avec elle se pose d’emblée la question du statut des manifestations orales ou scripturales de l’objet langue. La substance est-elle indifférente pour l’analyse linguistique ? Quelle est au juste la portée de l’opposition entre l’oral et l’écrit dans la description linguistique ?

La linguistique en viendrait-elle à se spécialiser en deux sous-domaines parallèles, l’un consacré aux aspects propres à l’énonciation orale (prosodie, phonologie, multimodalité mimo-gestuelle…), l’autres aux aspects propres à l’énonciation écrite (ponctuation, orthographe, espace graphique, production écrite…), sans viser de généralisations au-delà de la « barrière médiatique », ou postulant cette généralisation sans l’interroger en profondeur ? Elle contournerait alors un problème important de linguistique générale : celui des effets de la substance linguistique et de sa prise en compte sur i) les phénomènes langagiers, ii) leur description et iii) les cadres théoriques.

Pour ce colloque, nous invitons les collègues à éprouver la différence ou l’indifférence de fonctionnement d’un fait de langue ou de discours et la différence du modèle qu’on en élabore, selon que ce fait est observé à l’oral ou à l’écrit. Une démarche possible consisterait à partir de l’étude d’un fait linguistique ou d’un aspect langagier pour montrer les forces ou au contraire les faiblesses d’une approche qui, dans l’analyse du phénomène en question, distingue (divise, oppose…) ses formes, ses conditions ou ses réalisations à l’oral et à l’écrit.

La démarche proposée suggère d’élire d’abord des phénomènes identifiables dans les deux « domaines » et de considérer ensuite dans quelle mesure le « même » fait ou aspect s’altère ou non en passant la frontière de l’oral et de l’écrit. Parmi les phénomènes « clivants », dont on peut penser qu’ils mettent en relief les spécificités des énonciations orale et écrite, on pense par exemple :

  • aux faits de segmentation suprasegmentale (rapport ponctuation/intonation, interrogeant la pertinence pour l’oral et l’écrit d’unités comme la phrase, la période ou le paragraphe) ;
  • à la deixis (qui n’opère pas de la même manière dans le discours oral et dans le discours écrit, compte tenu de la possible duplication à l’écrit entre situation de production et de réception) ;
  • à la reformulation (très distincte, en apparence au moins, dans ses ressources sémiotiques, ses conditions cognitives et ses effets pragmatiques, à l’oral et à l’écrit);
  • aux faits de multimodalité (qui mettent au jour l’apport au plan verbal de systèmes sémiotiques différents, par exemple le gestuel à l’oral et le graphique à l’écrit) ;
  • aux faits de métalangage (comme la représentation du discours autre ou la métaénonciation) dans leurs éventuelles différences de mise en œuvre et d’enjeux pragmatiques ou énonciatifs à l’oral et à l’écrit…
  • aux faits de textualité : existe-t-il des contraintes spécifiques à l’oral et à l’écrit, au-delà de la variation infinie des discours et de leurs situations, justifiant des modes de constructions différents de la cohérence ou de la progression textuelle, ou encore inclinant à des choix préférentiels parmi les ressources offertes par la langue ?
  • aux questions de normes et de variations : les critères de variation usuellement employés sont-ils opérants aussi bien pour l’oral que pour l’écrit ?
  • aux apports des traitements automatisés de corpora annotés écrits et oraux pour la construction d’une grammaire ou aux limites rencontrées dans l’utilisation d’outils de traitement automatique de corpus quant à la distinction entre oral et écrit

Les communications pourront également porter sur des faits ou des catégories qui ont historiquement été élaborées sans tenir compte de la spécificité orale ou écrite des énoncés (comme les parties du discours ou les temps verbaux), ou qui ne les intègrent que depuis une époque relativement récente (les faits de syntaxe par exemple). Il s’agira alors d’interroger la résistance ou, au contraire, les limites de ces catégories pour l’analyse de corpus aussi bien oraux qu’écrits.

Nous accueillerons en somme toute proposition qui, sur la base d’une étude de cas, chercherait à appréhender la différence entre l’oral et l’écrit par une observation attentive des corrélations entre substances/media/canal/systèmes… et activités verbales.

Les langues du colloque seront le français et l’anglais.

Les propositions, d’une page maximum (bibliographie non incluse), en français, espagnol, italien, allemand ou anglais, doivent parvenir pour le 31 mars 2019 à l’adresse suivante : redaction@linguistique-ecrit.org.