Karl Löwith et le nihilisme japonais

Bernard Stevens

pp. 508-545

Du souffle puissant qui a porté la philosophie allemande de Leibniz à Heidegger, Lôwith était un des derniers penseurs à encore vivre (avec quelques signes d'essoufflement tout de même). Si — lors de sa rencontre avec Nishida, à l'époque la plus critique de la formation de l'identité nippone contemporaine — il avait saisi l'ampleur de l'enjeu, il aurait eu l'occasion de donner une nouvelle tournure à sa recherche philosophique et, peut-être, d'ouvrir une possibilité inouïe à la pensée occidentale contemporaine, plutôt que de rester cet honnête commentateur des ouvrages classiques. Mais — parce que, dans son européocentrisme, il y avait chez lui davantage de «refus» de l'Orient qu'il n'y avait, chez les penseurs japonais, de refus de l'Europe — il n'a vu que l'aspect nihiliste de la culture japonaise et il est ainsi resté insensible à l'étonnant événement de pensée qui était en train de se produire pratiquement sous ses yeux. Retenu à l'intérieur du cercle auto-limitatif du logos occidental-hégélien, il ne pouvait entendre le «logos» japonais (ou, si l'on préfère, son koto: «parole», mot, affaire, Sache, dont le kokoro est alors l'esprit, le sentiment ou la «saveur» propre). Parmi les efforts louables qui ont été faits depuis en Europe, et malgré certaines perspectives prometteuses qui s'y dessinent, nul n'a encore atteint une envergure digne du propos.

Publication details

Full citation:

Stevens, B. (1994). Karl Löwith et le nihilisme japonais. Revue philosophique de Louvain 92 (4), pp. 508-545.

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