163563

(2010) Corela 8 (2).

De l'hypothese de Sapir-Whorf au prototype

sources et genese de la theorie d'Eleanor Rosch

Jean-Michel Fortis

Le présent article traite des origines de la théorie de la catégorisation, telle qu’elle fut élaborée par Eleanor Rosch dans les années 1970. Il est divisé en deux parties. La première est consacrée au contexte théorique dans lequel les recherches initiales de Rosch ont pris place. Pour bien comprendre ce contexte, il convient de remonter aux recherches de Lenneberg et de ses coauteurs sur le principe de relativité de Whorf. On retracera ainsi le cheminement qui mena de ce principe jusqu’à sa reformulation comme hypothèse empiriquement testable, en partant des études sur la catégorisation des couleurs (menées à l’université de Harvard) pour en arriver à la publication de l’ouvrage de Berlin et Kay sur les termes de couleurs de base. Pour des raisons que nous tenterons d’expliciter, au relativisme initial se substitua une forme d’universalisme auquel le livre de Berlin et Kay apporta une contribution non négligeable. La seconde partie narre le développement de la théorie de Rosch au sein de ce contexte universaliste. En étendant progressivement sa théorie au-delà de ses objets initiaux (les couleurs et les formes spatiales) pour embrasser les catégories dites “sémantiques”, Rosch évolua d’une conception “analogique” ou gestaltiste de la catégorie vers une analyse en termes d’attributs discrets. Son concept de prototype incorporait initialement des traits qui venaient de la Gestalttheorie et de la notion de schéma (telle qu’elle avait été opérationnalisée en psychologie après Bartlett), pour devenir ensuite plus complexe. Tout au long de cette évolution, elle conserva une approche réaliste de la catégorie, entendue comme un agrégat “naturel” de propriétés. Pour étayer son réalisme, elle recourut à des outils théoriques forgés avant elle par Egon Brunswik (à qui elle est redevable de son index de validité de l’indice) et par Garner, à qui elle a emprunté la notion de structurelle corrélationnelle, notion issue d’une théorie informationnelle de la catégorisation. Quant à sa conception des niveaux de catégorisation, et notamment du “niveau de base”, elle doit beaucoup aux travaux de Brent Berlin sur les taxinomies populaires. Il est possible aussi que Rosch ait subi l’influence de Roger Brown, du moins en ce qui concerne les schémas d’action associés à des objets. Ainsi, la théorie de Rosch constitue un “patchwork conceptuel” qui a acquis cohérence et unité en intégrant des éléments d’origines variées.

Publication details

DOI: 10.4000/corela.1243

Full citation:

Fortis, J.-M. (2010). De l'hypothese de Sapir-Whorf au prototype: sources et genese de la theorie d'Eleanor Rosch. Corela 8 (2), pp. n/a.

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