Faustine, plena bassus ibat in reda

L'apostrophe latine du nom propre

Perrine Vedrenne

La fréquence des apostrophes, dans les épigrammes de Martial, est étroitement liée aux particularités énonciatives de ce genre littéraire. L’interpellation devient un moyen pour le locuteur de préserver la situation d’énonciation, en sélectionnant un allocutaire défini par son identification nominative. Mais si l’on peut assez aisément définir le rôle discriminant de l’apostrophe du nom propre dans des énoncés à la 2e personne, il en va autrement dans le cadre d’énoncés du type Faustine, Bassus ibat in plena reda, où le nom propre au vocatif est distinct du nom propre d’un tiers sujet de l’énoncé. Il ne se situe pas sur le même plan que le reste de l’énoncé, car une hiérarchie spécifique se met en place : d’une part, le locuteur s’adresse expressément à un allocutaire, d’autre part, il produit un énoncé qui, ne valant que par l’adresse précédente, est entièrement subordonné à l’apostrophe. A l’issue de l’étude de plusieurs types d’épigrammes contenant cette structure – épigrammes votives, épigrammes-épitaphes, épigrammes introduites par une question attribuée à l’interpellé –, il apparaît que l’apostrophe devient la marque de la primauté de l’allocutaire sur le locuteur, lequel n’est plus désormais « celui qui dit je » mais « celui qui dit tu ». Plutôt que les marques de la subjectivité, ce sont celles de l’altérité qu’il convient de chercher dans l’énoncé. L’apostrophe suppose certes une relation tensive entre locuteur et allocutaire, mais elle en modifie aussi la logique puisque le locuteur choisit de s’y effacer au profit de son partenaire.

Publication details

DOI: 10.4000/corela.1826

Full citation:

Vedrenne, P. (2010). Faustine, plena bassus ibat in reda: L'apostrophe latine du nom propre. Corela 8 (HS), pp. n/a.

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