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(2013) Noesis 21.

Sympathie morale et tragédie sociale

Sophie de Grouchy lectrice d'Adam Smith

Spiros Tegos

pp. 265-292

Sophie de Grouchy, marquise de Condorcet, réinterprète la doctrine de la sympathie propre à la tradition moraliste écossaise dans le sens d’une réévaluation de ses origines physiologiques, ce qui affecte profondément ses dimensions morales et sociales. Dans le cadre d’un rousseauisme compassionnel, elle transforme Adam Smith en un républicain sentimentaliste modéré, précurseur des Idéologues. Elle s’emploie pour cela à montrer que la déférence envers le pouvoir établi, surtout la royauté, érigée par Adam Smith en servilité quasi fétichiste envers les puissants et les rois, doit être réexaminée dans le cadre d’une économie affective post-révolutionnaire. Malgré le risque d’un mimétisme affectif enflammé par une rhétorique démagogique, Sophie de Grouchy mise sur la moralisation de l’identification avec la souffrance humaine, et sur sa régulation par des lois et institutions réformées pour tenir compte d’une nature humaine profondément sympathique. L’institutionnalisation de la sympathie morale est censée porter remède aux tragédies dues à la ségrégation sociale. En revanche, Adam Smith souligne à la fois la corruption morale due à l’adulation des puissants, et l’illusion socialement utile d’un imaginaire collectif cultivé par la tragédie classique et peuplé d’idéalisations du statut social. Adam Smith explore en outre d’une façon originale une dimension quasi psychanalytique de l’idéal social du moi qui anticipe la problématisation du culte du chef, là où la marquise se contente de critiquer le meneur de foule.

Publication details

Full citation:

Tegos, S. (2013). Sympathie morale et tragédie sociale: Sophie de Grouchy lectrice d'Adam Smith. Noesis 21, pp. 265-292.

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