Goethe éducateur?

Jean Lacoste

pp. 89-107

Peut-on à bon droit considérer Goethe, « l’Olympien » ; au même titre que Schopenhauer, comme l’ « éducateur » et le précurseur de Nietzsche ? Cette question, que André Gide avait posée dès 1932, trouve ici une réponse prudente et nuancée. Même si le philosophe cite souvent Goethe et a choisi comme maxime des vers de la « Confession générale », même s’il a fait un éloge appuyé des Conversations de Goethe avec Eckermann, il a sévèrement critiqué l’ « homme de Goethe » – un type d’homme dans lequel il voyait le symptôme de la crise de l’existence moderne, « théorétique » – et il a rejeté comme une illusion la recréation d’une Antiquité qui était à ses yeux conçue d’une façon trop apollinienne. Pourtant il existe bien un « gai savoir » goethéen, une sagesse « inactuelle », souvent païenne, parfois dionysiaque, une santé souveraine dans laquelle Nietzsche a cru qu’il pouvait trouver le signe et l’annonce d’une nouvelle culture d’artistes européenne, voire cosmopolite. Quelque différentes qu’aient été les conditions d’existence, le « conseiller privé » de Weimar est demeuré un exemple pour le professeur errant : un « ermite » dans la barbarie de la pseudoculture allemande. Le penseur et le poète partageaient en fait le même idéal : celui d’une éducation libre et continue de soi-même, celui d’un accomplissement de soi sans schéma préétabli, un idéal que Nietzsche a résumé dans la formule très goethéenne de « Deviens ce que tu es ».

Publication details

DOI: 10.4000/rgi.711

Full citation:

Lacoste, J. (1999). Goethe éducateur?. Revue germanique internationale - ancienne série 11, pp. 89-107.

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