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(2017) Methodos 17.

Bergson 

événement et création

Armel Mazeron

À l’instar d’Humpty Dumpty, le personnage de Lewis Carroll qui fête son non-anniversaire 364 jours par an, Bergson semble inscrire la discontinuité de l’événement dans la continuité de la durée. Il invite son lecteur à concevoir la nouveauté comme la trame du réel. Rien ne se répète jamais à l’identique, chaque événement est singulier et s’inscrit dans un temps irréversible. Pourtant, l’intelligence ne perçoit pas toujours cette « création continue d’imprévisible nouveauté » car elle immobilise et spatialise le réel en le rendant homogène. Mais dès lors que l’esprit retrouve le caractère temporel de la réalité, le présent apparaît comme toujours inédit. Vu sous cet angle, la définition bergsonienne de l’événement semble donner au banal les caractéristiques de l’exceptionnel. Les non-anniversaires possèderaient la même consistance ontologique que les anniversaires sans pour autant disparaître dans l’homogénéité de la répétition quotidienne. L’événement serait à la fois une aspérité surgissant dans le flux de la durée et en même temps l’expression de la plus pure continuité. Pour résoudre cette apparente contradiction il faut alors se demander : comment Bergson réussit-il à concilier la nouveauté de l’événement avec la continuité de la durée ? Pour répondre à cette question, nous montrerons comment Bergson introduit des différences qualitatives au sein de la continuité du devenir. Ces différences s’expriment à travers plusieurs niveaux de réalité que l’article étudie successivement. Nous partons de la métaphysique bergsonienne de la durée, capable de donner à l’événement un contenu réel et pas seulement représentatif. Grâce à l’épaisseur du devenir, l’événement se relie à la continuité spirituelle de la durée tout en conservant son caractère inédit et imprévisible. Son hétérogénéité le distingue de la pure discontinuité du fiat lux et de l’homogénéité mécaniste. La causalité des événements se révèle différente du simple mécanisme. Dans la seconde partie de l’article nous tirons les conséquences de cette métaphysique pour les appliquer à l’événement étudié sous l’angle de l’histoire. Partant d’un réexamen des apories du possible, nous examinons la valeur de l’uchronie pour ensuite décrire la manière dont Bergson théorise la connaissance historique et l’action des grands hommes.

Publication details

DOI: 10.4000/methodos.4788

Full citation:

Mazeron, A. (2017). Bergson : événement et création. Methodos 17, pp. n/a.

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