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Confrontation et réconciliation entre l'islam et l'occident

Angèle Kremer-Marietti

pp. 103-112

Je me présente comme une philosophe que je suis, une élève de Gaston Bachelard, qui était autant épistémologue, et donc amateur de sciences, que lecteur et amateur de poésie. Je ne suis personnellement ni une théologienne, ni même une religieuse. Parmi mes maîtres éminents, je retiens la leçon d'attitude morale de Bachelard : recherche de la vérité du monde et de la vérité de soi. Une pensée évoquant l'héritage philosophique clair et distinct de Descartes ou l'héritage légué par Bachelard qui pensait qu'il n'y a pas de progrès sans quelque erreur de départ, mais surtout qu'il n'y a pas de « vérité première » qui puisse se confirmer comme étant juste, une telle pensée tolérerait tout esprit religieux, quel qu'il puisse être (qu'il soit chrétien ou musulman), à condition qu'il ne soit pas dévastateur de la recherche et du questionnement, comme les religions le furent souvent par le passé. Car, pour Bachelard, la raison n'est pas immobile mais en mouvement : et si elle instruit l'expérience, on peut dire aussi que l'expérience instruit la raison.Et je ne connaissais pas l'Islam avant de m'y intéresser directement sur la demande de l'un de mes anciens étudiants. Et, comme je m'en doutais, j'ai découvert un objet d'études le plus complexe qui soit au monde ! Parler de l'Islam est-ce parler de religion ? Pas simplement, car les visées dans l'ordre moral et dans l'ordre politique interfèrent dans ce concept, et, très curieusement, les dernières sont certainement en plus grand nombre que les premières. Oui, il existe des valeurs morales musulmanes, très respectables, qui sont susceptibles de s'imposer à une conscience quelle qu'elle soit. Mais les injonctions coraniques dépassent amplement les visées morales ou intérieures, et semblent concerner pour beaucoup la vie politique. Et, même s'il est permis de distinguer religion et civilisation, avec l'Islam, on doit reconnaître que la confusion n'est pas accidentelle : elle s'impose. Et, si on oppose au concept de l'Islam le concept de l'Occident, nous sommes en face de deux civilisations imprégnées de religion, ce qui est totalement vrai pour l'Islam, et, à l'Occident, on assiste davantage à ce que Chateaubriand appelait le « génie du christianisme », c'est-à-dire, les conséquences logiques et historiques du christianisme plutôt que sa lettre pure et simple.Avant de commencer, je voudrais rendre hommage à un grand islamologue algérien, professeur à la Sorbonne, qui nous a quittés cette année, Mohamed Arkoun, auteur de nombreux ouvrages de dialogue entre les religions et qui affirmait que la foi est une construction qui change à travers l'histoire.

Publication details

DOI: 10.1007/978-94-007-7902-0_8

Full citation:

Kremer-Marietti, A. (2014)., Confrontation et réconciliation entre l'islam et l'occident, in N. Muhtaroglu & D. Quintern (éds), Islamic philosophy and occidental phenomenology in dialogue, Dordrecht, Springer, pp. 103-112.

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