Situation de Nishida

Bernard Stevens

pp. 43-68

L'objet de cet article est de mieux cerner la portée de la pensée nishidienne en tâchant de la situer plus précisément au sein du devenir historique de la philosophie. Le rôle fondateur de Nishida pour l'école de Kyoto a parfois été comparé à celui de Husserl pour la phénoménologie. Or si la problématique de départ des deux penseurs est comparable, l'explication avec le psychologisme, leurs préoccupations et ambitions sont divergentes. Nishida — dans son premier ouvrage, L' Essai sur le Bien de 1911 — a voulu fonder une philosophie, en style occidental, à partir d'un soi non-substantiel, libéré de l'ego discriminant propre à la conscience représentative ou naturelle auquel resterait attachée la subjectité occidentale moderne, y compris la phénoménologie husserlienne. Or la visée d'un tel soi est un des leitmotive directeurs de la quête pluri-millénaire de la pensée ontologique orientale. «L'expérience pure» dont parle Nishida peut être perçue comme un ultime avatar de cette recherche séculaire de la tradition orientale. Mais par ailleurs, le philosophe japonais, en élaborant une œuvre située à la croisée des cultures, était persuadé de répondre à une attente propre de l'époque — une époque marquée, du fait de l'expansion occidentale, par l'unification forcée des diverses civilisations de la planète et leur entrée dans l'universalité dont l'Occident se disait porteur. Après trois quarts de siècle, on constate que Nishida a fait là œuvre de pionnier et peut-être le temps est-il venu pour les philosophes européens de se pencher sur les questions qu'il soulève à ce propos.

Publication details

Full citation:

Stevens, B. (1996). Situation de Nishida. Revue philosophique de Louvain 94 (1), pp. 43-68.

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