Nature artiste, nature tragique

les deux faces de la "métaphysique esthétique" du jeune Nietzsche

Emmanuel Salanskis

pp. 55-70

Cet article analyse le rôle important et diffus que joue la référence à la nature dans La Naissance de la tragédie. Nous montrons qu’elle a deux faces qui se rejoignent dans la « métaphysique esthétique » du jeune Nietzsche. D’un côté, la nature est artiste, dans la mesure où elle nous crée artistement et crée aussi en nous les états dont proviendra notre art, qu’il soit apollinien ou dionysiaque. En replaçant ainsi l’activité artistique au cœur de la réalité, La Naissance de la tragédie justifie la notion même de « métaphysique esthétique », contre toute une pensée traditionnelle de la mimèsis héritée de Platon et surtout d’Aristote. Mais d’un autre côté, le jeune Nietzsche refuse de tomber dans une conception téléologique de la nature à la manière de Schopenhauer et Hartmann. Le pessimisme de Nietzsche prend acte de ses lectures sur le « darwinisme » : nous vivons dans une nature cruelle et déceptive, régie par le hasard et par l’antagonisme d’une fertilité débordante et d’une mortalité prolifique. On peut qualifier cette nature de tragique au sens où aucune finalité supérieure n’y donne sens à la mort, alors même que mourir n’est pas, pour l’individu, un événement métaphysiquement superficiel. L’articulation des deux dimensions de la nature permet dès lors de comprendre la joie dans laquelle culmine l’expérience dionysiaque.

Publication details

DOI: 10.4000/cps.417

Full citation:

Salanskis, E. (2016). Nature artiste, nature tragique: les deux faces de la "métaphysique esthétique" du jeune Nietzsche. Les Cahiers Philosophiques de Strasbourg 40, pp. 55-70.

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