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149575

(1966) Jalons, Dordrecht, Springer.

Gaston Bachelard et la poésie de l'imagination

Mikel Dufrenne

pp. 174-187

Ces livres de Gaston Bachelard qui saisissent l'imagination au vol, dans ses emportements les plus secrets et les plus déconcertants, qu'en dire? On les a lus, on les relit de la même façon que Bachelard a lu les poètes: en cédant à l'enchantement. Il semble qu'ici l'irremplaçable lecture se suffise à elle-même et récuse tout commentaire, sinon celui qui célèbre l'enchantement; lorsque les poètes le convient à rêver, Bachelard rêvant nous invite à rêver avec lui. Mais Bachelard, dans ces livres, est-il rêvant? Dire le rêve, est-ce encore rêver ou déjà philosopher? Il semble que Bachelard se soit refusé à dissocier le vivre et le philosopher, le rêve et la pensée du rêve, sous cette seule condition que la philosophie doive inventer, et avec quel bonheur, un langage nouveau: il ne suffit pas de citer les poètes, il faut les imiter, et finalement c'est une poétique qu'il faut élaborer pour parler de la poésie. Mais cette gageure peut-elle être tenue? Nul n'est philosophe impunément, et Bachelard est philosophe plus et mieux que quiconque. Aussi ne peut-on se défendre de l'impression qu'il n'a cessé de méditer et d'exalter une vie qu'il n'a pas vécue — qu'il a vécue par procuration: peut-être rêve-t-il qu'il rêve, et laisse-t-il les poètes rêver pour lui, alors que sa vocation à lui est de réfléchir.

Publication details

DOI: 10.1007/978-94-010-3575-0_9

Full citation:

Dufrenne, M. (1966). Gaston Bachelard et la poésie de l'imagination, in Jalons, Dordrecht, Springer, pp. 174-187.

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